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Monter, descendre ... ça glisse pareil.
11 mai 2013

Et des jours et des nuits réglés par tes paupières.

J'ai jamais été le genre de nana à te sauter au cou après une connerie. Je voudrais le faire, je ne peux pas. Je ne suis même pas heureuse de te revoir, il n'y a pas de reconnaissance comme cela arrive partout ailleurs, on est reconnaissant à l'autre qu'il soit là, qu'il soit revenu, qu'il prouve à quel point on est important et aimé en reapparaissant. Et l'autre est heureux d'être important au point de rendre l'autre heureux par son retour. Cela s'appelle des retrouvailles, une réconciliaton. Il n'y en a pas avec moi.

Je n'entends pas toutes ces choses là. Je suis emmurée vive, emmurée dans mon chagrin. Il a déjà vécu ces étranges silences, traversé mes deserts, il a campé des mois entiers dans mon regard absent, habité d'une fureur souveraine, contre lui, contre moi, contre nous. Il est resté.

Un jour je suis revenue.

Je reste le dos au mur, le regard noir, le sourire absent, mécanique, froide sans le vouloir. Le douleur résonne encore partout, se cogne partout encore j'écoute ce qu'elle me dit.

Elle me réveille encore la nuit, je sanglote dans mon sommeil. Je me réveille suffocante et en larmes, et je ne me rendors jamais plus.

Pour arrêter de pleurer, je me dis ce qu'on m'a dit un jour alors que je m'inquiétais que l'Elu de l'époque n'ait pas appelé pendant 3 jours...

"Il est pas mort, il est pas loin, il est pas perdu"

Non il n'est pas perdu, c'est mon bonhomme. Je le répète comme s'il fallait que je m'en convainque. C'est mon bonhomme. C'est lui qui dit "bonhomme", "changer de bonhomme" "un autre bonhomme".

Même depuis, même après, je sanglote encore. Pourtant il est là, il paraît.

 

Il a l'air épuisé, il a maigri aussi. Il pose son casque sur la table. Je ne pensais pas que cela fut vrai quand je me disais parfois pour me consoler qu'il ne devait pas être mieux que moi, que je n'étais pas seule à être brutalement coupée d'un circuit d'habitudes bizarres qu'on n'a pas vu s'installer, pas seule à être ejectée de cet "entre nous" découvrant au passage qu'il existait, qu'en dépit de tout les désherbages, luttes, disputes, arrachages de la moindre tentative de racine, un monde entier s'est planqué sous nos pieds, invisible entre nous, invisible autour. L'air qu'on respire n'est plus le même, et ni lui ni moi habitué à nous voir dans le regard de l'autre ne savons plus de quoi nous avons l'air.

Comment est ce arrivé ?

Comme la possibilité d'une telle douleur a-t-elle pu s'installer à mon insu, pondre des oeufs comme des lentes, s'enrouler autour de nous sans qu'on le sente pour nous étrangler au moindre faux pas.

Je pleure parce qu'il s'effondre, il tombe en vaste plaque ce monde que j'ai perdu au moment ou je l'ai découvert. C'est tellement physique, c'est comme si moi je m'effondrai. C'est une terreur sans nom, je tremble toute la journée. Je refuse de grossir, le deuil est foudroyant, j'ai le coeur qui déconne, je m'assied en terrasse et j'ai 90 ans. Ma vie va finir et cela m'indiffére.

Est ce qu'on se rencontrera encore ? Est ce qu'il faut encore se rencontrer ? Est ce qu'on se connaît encore et si on se rencontre maintenant est ce qu'on va se plaire ? Comment peut on aimer quelqu'un à ce point ? Tout ces mots, ces blagues, les rires, toutes ces choses si spontanées auxquelles on ne fait pas attention. Est ce qu'elles sont mortes ? Est ce qu'elles ne reviendront plus jamais ? Est ce qu'il me hait ?

Il me jauge et son visage se défait. Tu as maigri.

Je n'ai pas maigri j'ai disparu de ton absence, je suis devenue transparente, je suis inutile au monde s'il n'est plus toi. S'il n'est plus toi le monde est inutile. Le monde je l'ai rempli de toi.

Je le trouve courageux. Il reste là, il ne s'en va pas. Il veut discuter. Il me regarde l'air hébété, il cherche à savoir si je souffre, comment je souffre, qu'est ce qui se passe.

C'est vraiment lui qui a fait ça ?

On ne se retrouve pas comme dans les films, pas du tout comme des gens qui s'aimeraient d'une manière ou d'une autre. Glaçés, silencieux, figés, il me parle et je lui mens. L'émotion tente une percée, je l'anéantis sans même y penser, j'évite son regard qui devient chaleureux, je l'oblige à faire marche arrière. Il cherche mon regard pour me sourire, mais il n'y a personne. Il guette mon rire qui fuse et semble lui faire l'effet d'une gifle. Il essaye de s'expliquer de s'excuser de dire quelque chose mais je n'écoute pas, dans le mouvement de sa main sur sa nuque, la certitude du désastre, la sensation qu'il est trop tard. Il n'y a plus rien à dire, plus rien à faire, il fait la seule chose qu'il reste à faire, il me renverse.

Je reste silencieuse, je ne réagis pas à ses blagues, je ne fais pas exprès,  je n'ai plus de forces c'est tout.

Il passe la porte et

Il passe la porte mon corps se tend et je crie.

 

 

C'est ma face sombre que tu as à aimer

Si elle était claire tout le monde le ferait

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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