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Monter, descendre ... ça glisse pareil.
19 juin 2008

Une route de n'importe où pour n'importe qui n'importe comment

Parfois je prends le bus. Je monte dedans au pif comme ça un bus passe et je le prends. Souvent je découvre sa destination à l'intérieur, parfois je ne cherche même pas à savoir. J'ai mes clopes pour les correspondances, mon lecteur mp3, un bouquin au cas où, un carnet, un stylo, je suis bien. C'est la nuit. Paris me passe sous le nez en dégradé d'arrondissements je me colle sur une fenêtre et je regarde. Je voyage. Sœur pense qu'un jour je vais arriver à une gare et je vais prendre un train et peut être qu'après j'en prendrais encore un autre peut être que c'est comme ça qu'on arrive au bout du monde.



Souvent au début du voyage je me demande après qui je cours puisque je suis montée dans le bus c'est bien que je cours après quelqu'un je ne peux pas courir après quelque chose les choses je cours pas après. Puisque je suis montée dans un bus qui va quelque part c'est bien que je vais bien quelque part aussi. Mais je ne cours après personne je fuis. Surement que monter dans n'importe quel bus pour n'importe où, prendre la route du fou comme a écrit Kerouac, c'est prendre une route qui n'est écrite nulle part, une route qui n'a pas de souvenirs. Une route qui ne gardera pas traces de mon passage.




Et puis je regarde les gens dehors, sans les voir trop je pense à rien, je pense à la musique que j'écoute je me demande ou va le mec qui est assis de traviole ? Est ce que ça fait chier le conducteur du bus d'avoir des gens assis juste derrière lui ? Je ne vois pas grand chose, je ne regarde rien et parfois de grandes parties du trajet disparaissent, j'étais à Léon Blum me voilà rue de Lyon entre les deux, rien.. je me demande si je vais pas aller m'installer un peu sur la place de la gare de Lyon elle est belle éclairée. J'y trouverai peut être un petit coulis frais. Un coulis d'été.




Finalement je saute du bus presque en marche en évitant une nana habillée en rose. Un autre bus arrive je monte dedans. Au fur et à mesure que le trajet se dessine que la distance se creuse entre moi et un point fixe qui serait ma vie, la ville autour de moi devient changeante. Je remarque les beaux appartements de Port Royal, je me demande pourquoi même sans faire attention et quel que soit le trajet j'arrive toujours au même endroit. C'est rassurant une route du fou qui sans jamais le dire sait toujours où elle va. Au feu rouge je vois un café, peut être que j'y serais bien en terrasse. Finalement non. Je n'ai pas envie d'escales sur mon trajet.




En un instant je ne sais plus du tout où je suis. Enfin perdue, disparue de tous les écrans radars, absente au monde qui m'est familier. Le bus prend un aspect irréel, Paris n'est plus ma ville et se teinte d'exil, une avenue vide, quelques rues isolées dont la lumière est absente, un bâtiment énorme et sombre dont je ne devine que l'ombre comme une grosse baleine. Tout est absolument silencieux. Je suis ailleurs. A peine si le nom de la station Vavin m'évoque quelque chose, un vague tintement à mon oreille. Après Vavin cette hémorragie de lumière, nébuleuse citadine que je contemple incrédule et dont mes yeux ses gavent, les sons reviennent dans une féerie de chuintement pneumatique, discussions en bruit de fond, crissements de la circulation. J'entends presque le cliquetis des néons.



Je resterai un instant au pied de la Tour Montparnasse. J'ai envie d'y monter mais il est trop tard. J'aime monter en haut de la Tour Montparnasse il n'y a rien au dessus qu'un ciel immense et vide, il n'y a rien autour non plus rien qu'un autre vide, un autre silence et le vent qui gifle comme pour punir ceux qui ont eu l'arrogance de venir se hisser à sa hauteur. Je pense à ma petite sœur en me disant que je ne l'emmène jamais là. Pourtant elle aimerait bien ces voyages immobiles.




Quand je suis enfin prête pour le trajet du retour je prends un bus qui va vers chez moi au pire je finirai à pied au mieux je prendrai un autre bus. Je traverse Paris qui est pour toujours ma ville, magnifique. Je regarde tout le monde sur le trottoir, tous les passants, je détaille tout soudain avide. Tout ces gens que je ne connais pas. Celui là à le tee shirt qui godille, les amoureux qui sont assortis, cette femme et son sourire au dos de l'homme qui l'accompagne. Ce petit couple qui ressemble à deux cases qu'on aurait taillées l'une sur l'autre, c'est pas joli.




Je lèche les vitrines en faisant la revue mode, la boutique dans lequel j'ai acheté un torchon il y a 9 ans. Elle est toujours là. Je lèche les façades d'immeuble parce que Paris c'est un détail qu'on a jamais vu. Une tête de lion sculptée au 3ème étage, des statues grassouillettes, une salamandre ou les signes kabbalistiques qui marquent les lieux où ont vécu les alchimistes.

Pif, une maison rouge en plein milieu d'une trouée Haussmanienne.

J'ai fait ce trajet des milliers de fois je découvre toujours quelque chose de nouveau, quelque chose de Paris qui m'émerveille sans cesse tant j'ai le sentiment que c'est uniquement pour moi qu'elle se pare de tant de beauté et de mystères.




La lune jaune et pleine au dessus de Notre Dame est la fin de ma route, une vision. Le choc de tant de sérénité de plénitude et de beauté en une fraction de seconde au sortir d'une rue, tant de liberté que de pouvoir sans contraintes aucune poser les yeux dessus et dans un temps infini m'émouvoir. Ma poitrine se soulève et dans un sourire je respire.
 

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