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Monter, descendre ... ça glisse pareil.
30 juin 2008

Départ en vacances

Je me sens...comme une veille de départ en vacances. Je sais pas si tu te souviens les veilles de départ en vacances. A faire sa valise dans un semi détachement parce que déjà on est plus là mais pas encore à destination. C'est si bien raconté par Pagnol dans ses mémoires. On imagine sans imaginer, on se rappelle sans se rappeler. On fait la valise, on ramasse ses affaires et en même temps on est tellement heureux qu'on sait n'avoir besoin de rien. Et en même temps on est tellement affairé enervé excité qu'on est incapable de se projeter. A peine le temps de se remémorer la piscine de Quissac, et peut être un ou deux amoureux abandonnés dans la garrigue.



Le lendemain matin on se lève tôt très tôt pour filer prendre le train. Par la fenêtre ouverte de la voiture ça sent un peu les vacances déjà cette odeur de soleil qui se lève. Toute l'année est oubliée et les copines qui ne manqueront pas et tout le reste que les copines et qui est déjà oublié. Après ça sent encore plus les vacances, et il y a le bruit des vacances, celui des gares et des TGV, le voyage pas si long que ça tellement ce moment on l'a attendu toute l'année, le goût des toblerones, le bruit de la voiture bar. Le contrôleur et ses annonces et à partir de Valence ça y est il a l'accent du midi, annonçant le retour au pays, je l'entends et je sais que c'est là que j'appartiens, à cet accent et à ses rocailles. A partir d'Avignon ça devient tellement un crève cœur que je tiens même plus la dernière demie heure jusqu'à Nîmes. Et puis le contrôleur qui annonce Nîmes. Nîmes deux minutes d'arrêt.



Subitement je suis intimidée comme si j'arrivais en pays inconnu. Je sens bien que je suis pas fagotée comme je devrais. Je descends timidement sur le quai, saluée par une chaleur si étouffante qu'elle étouffe même le bruit me reconnaissant au passage elle me caresse le visage. On est pas beaucoup à descendre et je prends comme une grande le chemin qui descend à la gare, depuis le temps que je le fais, je connais. Je me glisse sur l'escalator pour les derniers mètres et déjà je vois dans sa chemise bleu clair et son pantalon du dimanche le grand père venu récupérer sa marmaille et quelques mètres plus loin légère avec sa robe en corolle et mauve comme un Iris une grand mère qui tente la nonchalance mais dont le sourire trahit toute la joie et la fébrilité.




Au milieu de l'escalator comme si l'espace d'un instant le futur et le présent avaient pu se confondre mon cœur est brutalement pris dans un étau glacial et douloureux qui me coupe le souffle. Un jour il n'y aura plus personne pour m'attendre en bas de l'escalier. Je chasse cette pensée avec violence et saute les dernières marches pour me réfugier dans les bras du grand père, pressé comme d'habitude de rentrer c'est qu'il y a 60 kilomètres à faire. On le suppliera pour une limonade  au café de la gare où nous nous  installerons fiers comme des paons. Moi toute narines et esgourdes ouvertes m'enivrant des odeurs et des bruits, les éclats de voix roulantes comme des cailloux en pleine dégringolade reprenant vie enfin là ou j'appartiens. L'odeur de l'asphalte fondue, le bruit des glaçons dans le verre, le soleil qui déjà enrobe tout mon corps afin de lui redonner sa couleur originelle.



La grand mère fait l'article, on attend les uns pour la mi juillet, les autres pour début août, Anne Marie et Pierre seront encore aux Vans cette année, on ira probablement leur rendre visite, et Tatie viendra la semaine prochaine. Demain on ira faire les courses, dimanche à la messe, et Lundi la piscine s'il fait beau. Si le grand père est d'accord on pourra peut être aller faire un tour à la kermesse de Sauve. Mais au fait il est devenu quoi alors ton Guillaume ? Et ta mère comment va ta mère ? Et ton petit frère ? Et ta soeur ? Mais je n'aurais pas envie de parler d'eux qui seront loin derrière dans une vie à laquelle je n'appartiens pas tout juste si je ne sursaute pas de surprise à leur mention ayant déjà tout oublié d'un lointain passé qui ne date pourtant que du matin. Je regarde mon grand père toujours un peu soucieux car l'heure tourne je trouve que c'est le plus beau du monde et ma grand mère qui sent si bon et qui sourit, heureuse. Mon coeur s'emplit d'amour de fierté et de gratitude il n'y a que Dieu pour permettre des moments pareils.




Et déjà on trotte au pas de charge vers la voiture. J'ouvre la porte et c'est une odeur de skaï surchauffé qui m'accueille. Une fois dans la voiture je suis presque arrivée. Je me colle à la vitre pour avaler le paysage du regard, j'ouvre la fenêtre pour me saouler des odeurs. Mes vignes qui sentent si bons, et l'odeur de la terre et mes yeux qui butent en permanence sur un paysage vallonné, tout ces petits villages qui sont à moi aussi, tout ça est à moi. J'appartiens à cette terre sèche et brulée de soleil, au bruit du vent dans les feuilles de vigne, à toutes ces couleurs qui n'existent qu'ici. Ce paysage qui m'oublie le temps de l'année scolaire et me laisse me dessécher comme un rameau coupé, je vois bien qu'il vit quand je n'y suis pas et sans nostalgie pour mon absence. Je suis encore trop petite pour le formuler mais tout mon corps enregistre un retour aux sources qui se traduit par un sentiment de plénitude heureuse.




Alors que le soir tombe nous arrivons les odeurs, les couleurs ont changé et je tente de repérer le premier chant de grillon. Enfin voilà le village, mon école, la mairie, la maison de l'instituteur avec sa vigne vierge qui la couvre en entier et la route qui mène à la maison. Je ne le devinerais que quelques décennies plus tard mais mon grand père fait un détour de plusieurs kilomètres pour que l'on passe devant la colline que j'aime tant et son réservoir lequel annonce à coup sûr l'arrivée à la maison. Alors que l'on fait les derniers kilomètres déjà la nostalgie de ce premier jour de vacances m'envahit. Le bruit de mes pas sur les cailloux m'annonce que je suis bien arrivée, le grand père râle parce que déjà je suis pied nus et j'ai abandonné sans regrets mes chaussures n'importe où dans l'allée, déjà je me défais de ces vêtements de ville qui m'étouffent pour ne plus mettre que des trucs d'été à la campagne. J'entends la grand mère amusée qui lui dit de me laisser le temps d'arriver.



Le chien et le chat viennent me faire fête, je pousse une fois encore la porte de la maison carrée, innocente et heureuse à tout jamais. 





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