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Monter, descendre ... ça glisse pareil.
14 juin 2009

Avec lui

En même temps j'avoue c'est pas simple d'écouter du raï à volume moderé à la décharge de mes voisins. J'ai du fermer les fenêtres pour faire péter la vibe du Cheb Mami...aaaaah un jour fut où Cheb Mami était mon idole et il n'avait pas essayé de pratiquer lui même l'IVG de sa copine, de même que Cantat n'avait pas encore tué sa femme et à l'époque Anthony Kiedis était pour moi un vague chevelu surexcité.


Aux premiers accords de Manimane c'est le soleil du midi qui se lève, j'ai du mal à pas mettre le son à fond pour ressentir encore mieux la chaleur écrasante, les fenêtres ouvertes sur un vent provoqué par la vitesse, les cheveux dans la figure calée sur l'appui tête. Golf à l'ancienne même pas GTI. L'histoire que raconte la chanson est triste paraît il. Genre un mec et une nana se séparent et la nana dit ne m'en veux pas. J'en souris tristement si le mec assis à côté de moi de la voiture avait supposé un seul instant qu'il pourrait se chanter la chanson à lui même un jour il m'aurait débarquée direct. Je retrouve son rire complétement eraillé. C'était pas si mal. Si je suis sortie avec lui c'est que c'était pas si mal c'est sur son dos que j'ai fait mes gammes.


La première fois qu'on s'est embrassés en fond sonore c'était Kurt Cobain qui beuglait Smells Like Teen Spirit et c'était la première fois qu'on l'entendait. Il me reste si peu de ces moments là, des souvenirs figés comme des photos, plutôt des trucs emmerdants je me souviens pas qu'on se soit aimés et pourtant ça a duré 2 ou 3 ans... Le temps détruit tout en permettant qu'on revienne sur du vrai du beau du sincère de 20 ans avec un recul de 40. Entre temps on en a aimé d'autres, autrement, on a estimé ça meilleur, plus mieux, plus fort. Juste parce qu'on vieillit, qu'on a pris son pied qu'il était plus beau, qu'il avait lu pessoa qu'il était plus star du rock pas assez lambada ou je ne sais quoi.


Lui rêvait pas. Il se disait à l'arrêt des bus de Troutignan sur Endive qu'un jour il aurait une épicerie à Fion sur Gard et il deviendrait un notable de la ville. Il pourrait faire bouger sa famille, tous malades de vivre dans une maison miteuse trop petite avec des murs tellement pourris qu'on passait la main à travers, dans un pavillon avec un peu de terrain aux abords du village. Il devenait tapé dès qu'il pénetrait dans une ville de plus de 500 habitants. Il en pouvait plus de lumière de filles jolies et bien sapées de tout ce brillant, clinquant, neuf donc joli, qu'on lui mettait a portée d'oeil mais comme il faisait vivre 10 personnes avec le SMIC il pouvait même pas se permettre de regarder les prix.


C'était le genre de mec à dire qu'un citadine s'habille comme une salope si elle s'habille comme ça c'est pour se faire serrer et méchamment. Et lui c'était le plus cool de sa bande de potes. Il fallait pas leur tomber entre les pattes. De gros veaux bouseux, violents, brutaux avec les femmes, des violeurs sans scrupules. "Si elle se tape Machin alors elle peut bien se taper truc dans la foulée et puis aussi les 15 zonards du quartier". Sérieux, une de mes copines genre "de la ville" y est passée. Quand j'ai demandé des comptes à l'instigateur de cette tournante il m'a répondu même pas gêné que Trucmuche lui avait dit qu'elle l'avait sucé. Tu comprends une nana qui suce c'est pas une femme.
J'avais rien à rétorquer, ces mecs là ils vivent pas en France, ils vivent même pas sur la planète. Ils vivent à l'arrêt des bus de Troutignan sur Endive. Un endroit qu'existe sur aucune carte ou tu fais la loi à la carabine et les flics ils restent tranquilles.  Ma copine est repartie à la ville.



Je trainais avec eux toute la journée sans danger moi j'étais la femme d'un de la bande. Le respecté qui plus est, pas le genre à se taper n'importe qui. Et c'est vrai qu'il était réglo, gentil, généreux, simple. Profondément ancré dans ses valeurs. Une intégrité qui lui donnait auprès de ses amis, de vraies raclures, une aura de messie.  Il faisait sa vie de misère sans tenter de dépasser les limites, sans même essayer de gratter, c'était ni un menteur ni un voleur il était profondément honnête mais fallait pas le chercher.

A leurs yeux on était mariés. Aux miens aussi d'ailleurs. On s'aimait. 20 ans plus tard ce sentiment semble bien pauvre, lamentablement élaboré, pas du tout structuré, bizarrement apparu. Pendant des années on s'est pas quittés mais il ne m'a laissé pratiquement aucun souvenir. Un arrêt coca à Perpignan sur la route de Figueras. Il faisait beau, il m'ennuyait mais j'étais bien.  Sa façon d'éplucher les graines de tournesol et de les mâchouiller j'ai plus jamais revu quelqu'un faire ça avec autant de classe.


Tous les deux on aimait l'ambiance folle de la Féria, et la campagne autour du bled dans lequel il vivait, rester silencieux et immobile à humer et regarder les soirées comme elles tombent dans le midi, on aimait savoir qu'on vivait dans un endroit d'ou l'on voyait tellement bien les étoiles qu'on avait l'impression qu'on pouvait les toucher.
On aimait : La fraîcheur des pierres dans les ruelles, se vautrer sur le sol frais pour regarder la télé, l'OM et Eric Cantona, le soleil quand il tape fort, l'ombre, plisser les yeux dans la lumière, l'odeur de la campagne, manger les crèpes de sa mère, danser le raï, n'avoir le regard arreté par rien jusqu'au mont Ventoux, le bruit de la mer, le sable qui colle, fumer des pétards, les Cévennes et Anduze. La route pour aller à Anduze, Bob Marley et le dub, la nuit tard dans le midi, pouvoir aller se baigner dans le Gard,  se promener dans les vignes, se laisser tomber par terre n'importe où et savoir que sous nos fesses il n'y avait que de la terre, de l'herbe et quelques bleuets.




On aimait rouler vite avec les fenêtres ouvertes la radio à fond en écoutant Manimane. Je pensais à rien avec lui c'était pas la peine ses demains n'étaient pas les miens, quand il me parlait de l'épicerie à Fion sur Gard j'avais la nausée. Quand je regardais le ciel je voyais le monde qui m'attendait et lui voyait juste le ciel. Bien qu'auprès de lui je n'avais jamais été avec lui. Il ne l'imaginait pas une seconde  Quand je l'ai quitté après être retournée à la ville il est tombé malade je n'ai même pas jeté un regard en arrière, la grande aventure de sa vie s'arrêtait là.


Il s'est mis à harceler mes copines, à m'attendre en bas de chez elles. Et puis un jour il s'est installé  en bas de chez moi, dans sa voiture. Il est resté là plusieurs jours, il bougeait pas de sa bagnole. Il n'en sortait pas, n'essayait pas de me parler, rien. Il se contentait d'être là, de me regarder entrer et sortir, vivre et sans lui enfin inventer des demains jusqu'à Los Angeles.

J'ai fini par appeler une bande de lascars du coin, des amis d'amis qui se sont pointés avec des battes et un fusil pour le déloger. J'étais pas là mais on m'a dit qu'il ne s'était rien passé de particulier même pas besoin de lui mettre un taquet. Ils lui ont expliqué tranquille que c'était la vie qui était comme ça maintenant rentre chez toi. 

 

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