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Monter, descendre ... ça glisse pareil.
11 août 2011

Je suis faite de ça ... le bip sur France Inter

 

Je suis faite de ça ... le bip sur France Inter qui annonce un changement d'heure, l'odeur du café sur le jour qui se lève. Un journal sur la table ... de la déco plutôt, comme si les magazines de décoration intérieure recelaient des secrets fabuleux dont je tente inlassablement de percer les arcanes. 

Faite du souvenir d'un homme qui se rase en écoutant France Inter, j'en rêve encore et j'en rêve. Souvenir d'un moment qui n'est encore jamais arrivé ... il porterait un after shave, élégant, ambré et discret comme celui de mon père, laissant dans son sillage l'envie de l'embrasser. Il sortirai peut être de la salle de bain, à moitié rasé pour faire valoir son point de vue matinal sur les nouvelles, pieds nus rasoir à la main, cheveux en broussailles. Comme les tiens lorsque mes mains t'ont décoiffé. Et quand lorgnant dans le miroir tes cheveux que tu ne recoiffes pas, c'est comme si tu me gardais encore un peu avec toi.

Faite de l'image de la femme qui sourit sur la photo assise nue et dorée, sans manières sur un tabouret un bol de café entre les mains.

Faite des larmes qui m'échappent alors qu'à la terrasse d'un café du quartier je lis l'aventure de cette arrière grand mère kidnappée par son petit fils ... mes souvenirs sont si vifs ... mes regrets éternels. Cela durera le temps de les écraser discrètement. Au soleil du mois d'août plus jamais je ne traverserai la rue devant la gare de Nîmes pour boire une grenadine avec mes grands parents.

Qui me fera encore la surprise du parfum des vignes, de la nature cévenole qui prend toute sa mesure durant les mois d'été, s'éveille à l'aube avec l'odeur des muriers, celle des oiseaux, et bat son plein à l'heure des cigales ?

Qui pourra m'émerveiller autant que l'apparition régulière comme une horloge, au pied de l'escalier roulant, tous les 30 juin de ce grand père rendu timide et muet d'adoration.

C'est fini quand l'on aurait voulu que cela dure toujours, cela a  duré un été, bien beau, le plus beau surement, s'étirant lentement vers l'âge adulte, à peine engagée vers la suite, la porte a claqué brutalement derrière moi sans préavis, sans possibilité de faire un dernier tour d'adieu.

Restent dans cet été, les sourires échangés, les rires sous les tonnelles, les courses dans les vignes, serpents scorpions, blaireaux, cigales. Chasseurs lapidés, les chiens fugueurs, la tarte aux pommes et les crèpes. Le bip de France Inter.

Je suis faite du début des regrets, quand enfin le temps me frappe et son cortège de plus jamais. Pourtant je croyais que cela reviendrai, que cela durerait toujours. Les promenades avec ma mère à choisir dans la vitrine des joalliers ma future bague de fiançaille, tentant de deviner qui saurait apprivoiser mes ardeurs guerrières. Elle riait de mon amour des pierres, ça sentait le feu de bois et le goudron, le chateau aussi, les rues de Blois sentent le chateau. Je serais avocate et j'aurais une maison comme celle de Brigitte ou de Christine, j'adopterai des enfants et cet homme là, celui qui écoute France Inter en se rasant, n'aurait jamais besoin de m'offrir de pierres parce qu'il me comprendrait bien mieux que moi même. Je savais que je le reconnaitrai en posant les yeux sur lui et il me reconnaîtrai aussi.

On a bien essayé de m'épouser, on était loin des belles pierres qui me passionnent, loin de la monture chiadé, loin des bagues d'antiquaires. Loin de l'amour aussi, aussi loin qu'on puisse l'être, tellement à l'opposé qu'on aurait pu en frôler le battement en tendant le bras. On était dans la vie, devant une monture en série et les éclats fade d'une mauvaise pierre.

C'est passé trop vite je crois, je n'ai pas eu le temps de voir, pas eu le temps de comprendre, pas eu le temps de saisir entre mes mains toute la saveur de ce monde là... j'ai à peine vu ma mère qui pourtant était là. J'attendais tellement d'elle qu'elle fut une autre qu'en dépit de tout ses efforts je l'ai à peine effleurée.

Et le temps est parti, tout le temps que j'avais pour ne pas me facher, pour rire aux anniversaires, pour être là avec elle, apprendre ce qu'elle savait, l'emmener quelque part, échanger des idées ... je suis, comme le lapin d'Alice, en retard, vraiment en retard.

Et je me demande parfois s'il va arriver ce type avec ses bagues et son envie de m'enfermer entre ses bras pour toujours, de faire fi de mes humeurs sauvages, de mes fuites et de mes incertitudes. Parfois j'en doute.

Je suis faite du souvenir d'une maison en Crète, le tintement lointain d'une clochette, un arbre sur la petite terrasse ensoleillée. Un moment qui n'est pas encore arrivé. Faite du souvenir de ma soeur, en son honneur je sucre toujours ma bolognese, moi qui cuisine à l'odorat je ne me trompe jamais sur la bonne dose, la dose exacte. A force de me contenter de regarder les autres faire en m'impregnant des odeurs de la cuisine, j'ai fini par découvrir un jour que je cuisinais parfaitement, les yeux fermés au sens propre.

 

Je suis faite d'espoir et si l'été est fini, alors j'en inventerai un autre aux mille couleurs, je serais le soleil qui ne s'éteint jamais, j'inventerai les rires, effacerai les ratures, j'aimerai d'autres endroits, d'autres gens, d'autres odeurs, je n'abandonnerai jamais. Je ne serais jamais le souvenir d'une petite fille devant une grenadine un 30 juin au soleil, je me réinventerai toujours pour que la grenadine ait toujours la saveur qui m'emerveille, portant en moi tout ce qui me fait, la survivance des êtres aimés, de ce temps gagné quand on croit l'avoir perdu, des rires de ma mère devant mon enfance,

 

je serais cette maison de couleur et de merveilles, de tout ce qui me  fait et de ce qui m'attend, le soleil accroché aux fenetres comme des rideaux de feu et de lumière,

et un jour tu viendras.

 

 

 

 

 

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